Ovni. Nuri Bilge Ceylan représente une espèce d'ovni dans une cinématographie turque encore dominée par des films commerciaux ressemblant à des séries télé dégoulinantes de pathos. De nouveaux talents  s'affirment, affrontant explicitement les thèmes les plus sensibles et longtemps tabous (question kurde, droit des minorités, islam, etc.) d'un pays en pleine mutation. Lui cultive son décalage. «La politique ne m'a jamais intéressé même si, en tant que citoyen, je ne suis par indifférent mais je crois que ni les choses, ni les gens ne changent dans leur essence. Et, sur ce plan, je me suis toujours senti très différent de mes amis avec un sentiment de faute d'être aussi étranger à leurs certitudes militantes.» Ceylan a toujours eu envie d'entretenir sa singularité d'artiste farouchement autonome avec une constante passion pour les écrivains russes comme Dostoïevski et surtout Tchekov dont aucun personnage «n'est entièrement bon ou mauvais» .«Obsessionnel». Son dernier film, Iklimler (les Climats), peint les saisons d'un couple en crise, un homme et une femme déjà si loin et encore si proches «à la poursuite d'un bonheur qui ne leur appartient plus». Sa femme actuelle, Ebru Ceylan, est la bouleversante interprète de l'héroïne Bahar. Ceylan fait donc jouer à son épouse le rôle de la femme qu'il a quitté. Quand on évoque une autofiction, le cinéaste s'indigne. «Ce n'est pas une autobiographie mais l'histoire de l'échec d'un couple qui est une fiction même si elle se fonde aussi sur l'expérience de mon mariage précédent avec ses moments heureux et malheureux» , explique le cinéaste qui joue quand même le rôle de l'autre protagoniste, renforçant ainsi l'effet de mise en scène d'une intimité. Etre devant et derrière la caméra lui pose problème : «Ce n'est pas simple pour un obsessionnel comme moi car je dois pouvoir tout contrôler sur le plateau, apprécier le jeu des autres comédiens ou les mouvements de la caméra» , déclare-t-il encore, lui qui reste finalement très satisfait de son propre jeu. «Je veux toujours épurer le travail des acteurs et, là, j'ai dû le faire pour moi-même», témoigne Ceylan soulignant qu'« un acteur doit jouer le plus simplement possible et surtout ne rien montrer sur son visage, l'expressivité étant un code propre au réalisme». «Je crois d'ailleurs que les Turcs n'aiment pas en général montrer leurs sentiments» , ajoute-t-il.
Par Marc SEMO, pour Libération
Retrouvez ici les bandes annonces de son dernier film :
http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=18628713&cfilm=109741.html
Ici le magnifique site de la nbc, société productrice de Nuri Bilge Ceylan, très épuré et visuellement fantastique, vous pénètrerez d'avantage l'univers de ce cinéaste :
http://www.nbcfilm.com/home.html